« Les Anciens », Encyclopédie de la chasse et de l’Histoire Corse !

En Corse et peut être plus qu’ailleurs, la chasse a une place très importante dans la société, et en particulier la chasse du sanglier,  la passion de cette chasse qui perdure depuis un siécle, a été transmise de génération en génération par les « créateurs » de cette chasse, « les anciens ».

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Aujourd’hui âgé de 21 ans et chasseur depuis mon plus jeune âge, j’ai la chance de côtoyer et d’apprendre aux cotés de l’un de ces hommes, Victor. Retour sur les traces de son histoire de la chasse en Corse au village de Bocognano ou tout débute durant la seconde guerre mondiale.

Des débuts difficiles.

Alors que le monde va entrer en guerre pour la seconde fois de son histoire, l’Italie fasciste prétend rattacher la Corse a sa cause, mais le serment de Bastia prononcé le 4 décembre 1938, affirme le contraire : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et mourir Français ! »

Discours a effet immédiat car le lendemain, des groupes antifasciste sont créés dans les deux principales villes Corses : Ajaccio et Bastia. Des lors, la Corse est rattachée en tant que zone libre jusqu’en 1942, la principale force des habitants Corses tient en divers groupes de résistants qui sont créés, principalement soutenus par « les Français libres » du général De Gaulle, mais également appuyé par les troupes d’Alger et fortement épaulé par les nombreux ravitaillements du sous-marin « Casabianca ». La population insulaire apporte également tout leur soutien aux valeureux résistants, permettant à certains patriotes Corses de se cacher dans leur environnement de prédilection, le maquis.

Petit à petit, les populations Corses se soulèvent et les membres de la résistance font pression sur le commandant des troupes d’occupations italiennes sur l’ile en lui demandant de choisir son camp, rapidement il décidera de rejoindre les forces alliés. A compté du 9 septembre 1943, les résistants Corses aux côtés des forces italienne harcèlent les troupes allemandes qui perdent du terrain jusqu’au point de se replier sur la ville Bastia comme dernier rempart, mais les fascistes capitulent et évacuent la Corse dans la nuit du 3 au 4 Octobre 1943.

A l’aube du 5 octobre 1943, la Corse devient le premier département Français libéré grâce à l’action conjointe des résistants Corses, de la population et des différentes forces armées italiennes et marocaines

Mais pendant que ceux qui sont en âge de se battre sont au front, les plus jeunes comme Victor, tout juste âgés d’une dizaine d’année ont aussi joués un rôle déterminant au sein des groupes de résistants, en effet ces jeunes hommes étaient chargés de guetter, d’être à l’affut des moindres forces fascistes en approche et devaient prévenir immédiatement les patriotes de l’évolution de la situation. Malgré leur jeune âge, ils ont participé d’une quelconque façon à la guerre, ce qui les aura rendus encore plus forts physiquement et mentalement, se dissimuler dans le maquis, pister les forces ennemies et apprendre à survivre à cette époque avec ce que la nature offre n’est pas chose aisée à cet âge. Très tôt dans leur vie, ils ont été habitué aux pires conditions de vie ce qui leur forgera par la suite un mental à toute épreuve et c’est pour cela qu’encore aujourd’hui, rien ne semble les perturber ou les atteindre, ils gardent un grand contrôle et une grande humilité dans n’importe quelle situation.

Durant la période d’après-guerre, dans leurs petits villages, c’est à présent à eux d’apprendre à entretenir leurs familles et de travailler dure pour les faire vivre, et a cette époque, tout est bon à prendre pour vivre le mieux possible, mais les taches qui attendent ces garçons sont loin d’être faciles, en effet lorsque les conditions climatiques le permettaient, Victor alors âgé de 12 ans, marchaient pendant de longues heures durant pour grimper au pieds des montagnes de la région pour y extraire du précieux charbon, trouvé au fond des galeries creusées à l’époque, bien évidemment cette exploitation du charbon ce faisait a très petite échelle du aux difficultés d’extractions et au manques de moyens de transports comme des routes ou des voies ferrées, en effet, les installations étaient rudimentaires, un treuils a bras, des centaines de mètres de vieux câbles d’acier suspendus aux arbres qui slalomaient entre les hêtres pour y acheminer les panier de houilles vers la voie d’accès la plus proche, ces installations sont encore visible de nos jours dans nos montagnes. Cette exploitation ne restera qu’un petit commerce et sera principalement consacrée à l’usage personnel, utilisé comme combustible pour se chauffer ou encore pour la cuisson.

Mais avant tout, ces hommes étaient des fils de bergers, et le sont à présent.

Après avoir gardé les troupeaux de brebis et de chèvres tout l’hiver en plaine accompagnés de leurs fidèles « Cursini » qui nés au milieu des brebis sont chargés de veiller sur les troupeaux, lorsque les beaux jours arrivent et que l’été approche, il faut alors remonter les bêtes en montagne pour qu’elles pâturent dans les grands plateaux montagneux ou les neiges ont fondues et ont laissées apparaitre derrières elles de belles pousses d’herbes fraiches et tendre pour les animaux.

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Cette période de transition entre la plaine et la montagne est appelée transhumance, chaque berger suivait et surveillait ses troupeaux en montagne et ceux durant plusieurs semaines ou ils passaient les jours dans des petites « casette » maisonnettes en pierres sèches qui servaient d’abris pour les bergers durant ces périodes estivales. Durant la journée, ils consacraient la plupart de leur temps à la confection de fromage et de « brocciu », spécialité de fromage Corse, issu du petit lait de brebis ou de chèvres résultant de la fabrication des fromages, une pratique très importante surtout à l’époque dans les régions difficiles ou rien ne doit se perdre.

« i caselli » petites bergeries dans lesquels les berger

Outre ces taches quotidiennes de la vie de bergers, l’été, une autre opportunité de commerce était d’actualité, En effet, dans les montagnes faisant face au village de Bocognano, se trouve le glacier appelé « glacier du Busso » ou encore « glacier de la Tanedda » situé au-dessus des « bergeries du Matone », le glacier culmine à 1600 mètres d’altitude et comme souvent dans cette région, il n’était accessible qu’après une longue marche à travers les montagnes corses. En l’absence de congélateur a l’époque, il fallait accéder au glacier avec le matériel nécessaire pour y découper des morceaux de névé (bloc de glace) puis redescendre pour les acheminés jusqu’à la gare du village pour être commercialisés et alimenter les bars de la région, et oui, le pastis ça se boit avec de la glace et ça depuis toujours !

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L’apparition d’une passion : La chasse au sanglier.

Hormis ces nombreuses tâches qui permettaient le commerce et le développement des régions, les hommes pratiquent la chasse cueillette, le piégeage et ce qui est qualifié aujourd’hui de braconnage, mais ces activités étaient de pratiques courantes et permettaient de nourrir les familles. C’est à cette époque que se pratiquent les premières chasses du sanglier, ce roi du maquis qui était à l’époque encore très rare, des faibles populations de sangliers étaient présentes dans la région et seulement quelques spécimens étaient aperçus de temps à autre.

Retour de chasse au sanglier au village de Bocognano dans l

Ayant acquis des capacités exceptionnelles au cours de ses nombreux périples depuis le début de sa vie, Victor maitrise et connait parfaitement le maquis qu’il parcours depuis toujours, il devient alors chose aisé pour lui de repérer une trace fraiche de sanglier, au bord d’un ruisseau ou dans les montagnes les plus éloignées, il prête attention à chaque détail, chaque passage, il pistera alors un animal durant quelques jours, le temps pour lui de déterminer le parcours du sanglier, ses habitudes, mais surtout son point faible, afin d’avoir plus de chance de le prélever, jusqu’au jour où il est fin prêt, il connait bien les habitudes de ce sanglier et sait exactement où il va passer, quand et par ou, mais ce jour-là, Victor âgé d’une quinzaine d’année, armé de son vieux juxtaposé chargé de deux chevrotines confectionnées a la main avec un étui et une bourre en carton, un peu de poudre noire et quelques grains de plombs, attend posté au pied d’un châtaigner ou au bord d’un ruisseau, sur un rocher ou directement à côté de la coulée de l’animal, le sanglier arrive et suit ses habitudes, sauf que ce jour il trouva plus malin que lui, les deux coups de fusil sont tirés rapidement pour ne pas risquer de perdre le sanglier, finalement il est là, mort sur place, ce sera l’un de ses premiers sangliers. De retour au village il sera chaleureusement accueilli et féliciter, abattre un sanglier est chose rare par ces temps, et le sanglier est un animal très rusé, sauvage et quasiment inaccessible, toujours plus méfiant discret et prudent à la fois, il est  très difficile d’en approcher un, mais le roi du maquis Corse commence à éveiller la passion.

Les meilleurs chiens jamais élevés.

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Les années passent et les populations de sangliers commencent à croitre légèrement, a l’heure où les conditions de vie s’améliorent, les fardeaux des exploitations du charbon et des glaciers disparaissent, il se consacre alors uniquement à son rôle de berger, ce qui reste un travail difficile, mais les avancées technologiques rendent les taches moins lourdes, création de route, modernisation de moyens de transports…et quelques autres nouveautés soulagent les hommes, la nourriture non plus n’est plus un problème et la vie devient plus agréable, mais malgré tout, chasseur et montagnard dans l’âme, Victor alors âgé d’une vingtaine d’année a plus de temps a consacré à sa passion, la chasse du sanglier, les chiens Corses, les « Cursini » qui étaient habituellement utilisés comme chiens de bergers vont commencer à avoir un tout autre rôle, celui de chien de chasse.

Victor, accompagné par son fidèle « Turbo » en forêt.

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Petit à petit, il commencera à élever une petite meute de 3 ou 4 chiens, pour le moment, les chiens de races ne sont pas courants il y a donc beaucoup de croisés, mais chacun aura sa chance. Bien évidement pour avoir de bons chiens il faut déjà avoir un bon maitre, qui connait déjà beaucoup de chose du gibier à chasser, ensuite il faut que les jeunes chiens voient et s’habituent au sanglier et pour ça la seul solution est d’aller le chercher, et alors qu’ils ne sont encore que des « cateddi » des jeunes chiens de moins d’un an, ils accompagneront Victor partout dans les montagnes du village, de l’épais maquis aux plus hauts sommets, d’été en hiver, les chiens doivent connaitre parfaitement le biotope et commencer à repérer les traces, les indices, les odeurs de la présence ou du passage d’un sanglier.

Rapidement, les plus compétents et les plus passionnés d’entre eux partiront pour la première fois sur la voie du sanglier. Ils commencent à s’éloignés, un peu plus et les premiers aboiements se font entendre dans le canal formé par les montagnes, les premiers chiens remontent lentement sur les traces d’un sanglier et marquent la voie par des aboiements à intervalles réguliers. Victor connaissant parfaitement chaque rocher de la région peut suivre attentivement le déroulement de la situation et pourra peut-être même apercevoir le sanglier, aujourd’hui la priorité est le travail des chiens, si le sanglier peut être abattu alors la leçon n’en sera que meilleure !

Après de longues heures de recherche, les chiens semblent se rapprochés du sanglier, les aboiements des grand courants changent de rythme, il n’est plus question d’aboiement fractionnés, mais juste des continus, beaucoup plus pressants, ceux qui procurent les premiers frissons, et cette adrénaline qui monte chez le chasseur comme chez les chiens qui sont maintenant tout proche du sanglier, a présent, c’est une longue course qui s’engage de montagne en montagne, de crêtes en crêtes, traversant les rivières, les éboulis puis redescendent dans l’épais maquis puis retourner dans les forêts plus clairsemées, effectuer de longues boucles pour repasser à chaque fois au même endroit au mètres prêts, tout est bon pour le sanglier afin d’échapper à ses poursuivant, ou il use et abuse de ruses plus incroyables à voir les unes que les autres, passer d’un côté, remonter par le même endroit et finalement redescendre ailleurs, changer de direction, faire des détours, multiplier les fausses pistes, l’animal est extrêmement rusé, et les chiens devront être très attentifs pour ne pas perdre la trace du sanglier.

Victor pendant ce temps, suit les chiens en se repérant aux aboiements, et a la direction de fuite du sanglier, mais lui aussi connait bien le maquis, les raccourcis et les astuces que lui seul peut trouver, toute son expérience qu’il a acquis plus jeune lui est à présent très utile pour rester au plus près de l’action de chasse et finalement, arriver sur un poste qu’il connait bien, qu’il a déterminé grâce aux nombreux passages des chiens lorsque le sanglier tourne toujours au même endroit, mais plus le temps passe et plus les jeunes chiens fatiguent, ils perdent du terrain sur le sanglier habile et expérimenté, mais ce jour-là, il trouvera plus astucieux que lui, alors que le sanglier passe une énième fois par ce petit ruisseau dans les gorges des montagnes, Victor l’attend de l’autre côté, l’entend arriver dans l’épais maquis ou les branches craquent sous ses pats cette foulée rapide qui se synchronise sur les battements du cœur du chasseur, la masse noire est visible, il arrive et touche la rivière, a présent il est parfaitement visible, une fois de l’autre côté, un coup de fusil amplifier sonne dans le ruisseau et raisonne dans la vallée, suivi d’un nuage de fumée blanche, le coup de fusil raisonne encore dans les oreilles et ce petit sifflement s’attenu, une fois le silence revenu et la fumée dissipée, le sanglier apparait au bord de l’eau, mort.

Le travail des jeunes chiens a payé, et ils en seront récompensés, ils arrivent en aboyant sur le sanglier qui dû aux nerfs, ne bouge plus que la patte arrière qu’ils s’empressent d’attraper et de mordre. A présent il ne reste plus qu’à vider l’animal a même le ruisseau pour alléger la charge que Victor devra porter sur le dos jusqu’au village. Une leçon parfaite pour les jeunes chiens qui ont pris gout au sanglier tout comme pour Victor, qui après avoir démontré une fois de plus sa maitrise de la nature, se découvre une nouvelle passion, celle des grands chiens courants !

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Il répétera chaque jour, chaque week-end, les sorties avec ses chiens, il s’avèrera que même le chien le plus bâtard de la meute soit en fait un chien d’exception, qu’importe la race, chaque chien a ses qualités et ses défauts que ce soit le grand bleu de Gascogne, le Bruno du Jura, le porcelaine ou un croisement de tout cela, il possède sa premier meute de chiens courants pour la chasse au sanglier, mais chaque sortie ne se terminera pas toujours par le prélèvement d’un sanglier, bien au contraire, souvent les sangliers parviennent à s’échappés avec les chiens à leurs trousses, ils seront alors introuvables pendant plusieurs jours et devront retrouver le chemin de la maison tout seuls.

Mais chasser seul avec ses chiens n’est pas le but de la chasse, il est temps pour Victor de créer une équipe de battue avec quelques membre de la famille et du village, d’autant plus que cette chasse du sanglier attire peu a peu, beaucoup de curieux qui se prendront de passion pour la bêtes noire. Les tableaux des premières années, de 1945 à 1970 resteront relativement faibles avec environ 10 à 20 sangliers prélevés sur une saison, mais chacun prend du plaisir a participer aux battues, écouter les chiens ou simplement voir un sanglier, le tir d’un animal, réussi ou non, reste une finalité dans l’acte de chasse, qui rendra la journée encore plus réussie.

Cinq chasseurs et quatre sangliers prélevés dans les mont

Dans les année 1980, mon père est lui aussi tombé dans la passion du sanglier, alors qu’il était avant tout un chasseur de plume, il rejoint l’équipe de Victor en 1982, à l’époque composée d’une dizaine de membres, c’est au cours de cette année que « le chef » lui fera tué son premier sanglier pour l’équipe de Bocognano, Victor est un modèle pour tout le monde, ici il est chez lui connait tous les passages, toutes les remises et tous les postes, c’est ce qu’il devra apprendre à son équipe, qui après une saison ensemble acquièrent de l’expérience rapidement. Mais à une époque où le sanglier est de plus en plus présent mais toujours très discret et méfiant, les chiens impressionnent tout le monde, ils ont une passion hors du commun pour le sanglier, les rabatteurs ne sont alors que deux ou trois, accompagnés en tout d’une dizaine de chiens, encore la de toute race, pure ou non. Et aujourd’hui encore, les membres de l’équipe se rappellent des exploits de certains de ces chiens qui sont les meilleurs chiens qu’ils n’ont jamais connus, les exploits d’un « Turcu » qui lâché du bas de la battue montait plusieurs heures durant en marquant jusqu’au pied des montagnes pour lever un sanglier dont il avait trouvé une veille trace 3 heures plutôt pour finalement le faire tuer en poste, ou encore d’un « Periolu » qui après avoir trouvé une bande de sanglier, s’élançait a la poursuite de l’un d’entre eux qui avait quitté les autres pour le pousser de son aboie roque vers les postes et qui au coup de fusil du chasseur, s’arrêtait et retournait ou il avait trouvé les autres sangliers qui n’ont pas bougés afin de les rabattre à leur tour vers les lignes des postés et ceux un par un jusqu’à ce qu’il n’y est plus de sanglier en battue, mais aussi l’histoire de « Culombu » qui a livré son dernier combat dans les gorges de Pruniccia face à un gros sanglier qui lui ôtera la vie au cours d’un ferme héroïque.

Des histoires comme ça, de ces chiens accros à la chasse du sanglier, il y en aurait des centaines à raconter, mais il fait bon de s’en rappeler lors de nos longues journée de chasse d’hiver autour d’une bonne table et entendre à nouveau ces histoires mémorables que l’on connait par cœur, et de saluer encore une fois la mémoire de ces chiens hors normes qui nous ont donnés tant de plaisir et de belles chasses et restent les meilleurs chiens avec lesquels ils ont eu la chance de chasser, mais qui pour la plupart d’entre eux ont perdu la vie lors d’un dernier face à face avec l’animal de leur passion !

Un modèle pour les jeunes.

Plus tard dans les années 1990, les populations de sangliers ont littéralement explosées et les tableaux de fins atteignent des sommets avec 40,50,60 et même 70 sangliers du 15 Aout au 31 janvier, cette forte augmentation est due en grande partie aux bonnes conditions climatiques et aux saisons des pluies convenables qui permettent de bonnes glandées et la production de beaucoup de fruits ( châtaignes, faines…) les laies élèvent alors beaucoup plus de sangliers, mais cette évolution de la population sanglier est aussi conjointe au fait que les éleveurs de cochons laissent leurs animaux en liberté, ce qui aboutira à certains malheureux croisements.

Lorsque j’arrive dans l’équipe au côté de mon père à l’âge de 13 ans, je peux apprécier par moi-même l’ambiance et les histoires de nos anciens, débarquant dans le monde de la chasse, j’ai tout à apprendre, ce que je fais rapidement en poste avec mon père, mais j’apprends aussi énormément de l’expérience d’un homme comme Victor, lors de nos première battues, j’étais impressionné par les connaissances et les habitudes peu communes de cette homme, il a envie de me transmettre tout ce qu’il connait tout comme j’ai envie d’apprendre tout ce qu’il peut savoir, petit à petit, je l’accompagne après les battues, pour me montrer tel et tel poste, toute les petites astuces, tout ce qui peut faire de moi, un bon chasseur, après avoir tué mon premier sanglier, je fais partie intégrante de l’équipe et les sangliers s’enchainent, les conseils portent ses fruits et je progresse, jusqu’à devenir ce que je suis aujourd’hui, un chasseur confirmé qui continu d’apprendre, inspiré par les hommes comme ça qui a chaque battue nous fait une nouvelle démonstrations de son énorme registre de connaissance, voici la dernière en date :

Un matin de novembre, Victor a repéré plusieurs traces de passages de sangliers dans une battue, logiquement c’est là-bas que nous irons. Au cours de la battue un beau sanglier s’échappe devant ses chiens par un poste du bas que Victor nous avait prévenu de bien tenir, il écoute ses chiens et comprend immédiatement que le sanglier est passé au travers !

Lorsqu’il arrive trop tard, le sanglier est passé et les chiens aussi ! Rebelote, le sanglier vient de passer et il rate les chiens de quelques mètres, dernière chance, il descend le col vers la commune voisine, se gare au bord de la route et monte en courant vers un poste au-dessus d’un ruisseau, après 200 mètres de montée, il arrive essoufflé en poste, mais il entend les chiens, visiblement le sanglier n’est pas encore passé, et justement le voilà qui arrive, au trot, sous les hêtres c’est un beau mâle ! Il le laisse monter jusqu’à lui de l’autre côté du ruisseau et a 15 mètres, un premier coup de fusil puis un second pour l’achever ! Le sanglier roule dans le ruisseau et les chiens n’arrivent même pas 2 minutes après. Il vide le sanglier sur place et le ramène au 4×4 avec ses chiens, le tout à bientôt 80 ans ! Tout content de lui il nous prévient qu’il a tué ce sanglier, la question est comment a-t-il pu savoir ou allait passer ce sanglier ?

Facile, cela faisait une semaine qu’il pistait ce sanglier, il l’a tout d’abord trouvé le passage devant la battue ou nous étions, il a continué à suivre la trace jusqu’au poste qu’il nous avait prévenu de bien fermer, mais comme il connait bien son équipe, il a continué à suivre les traces du sanglier dans les feuilles de hêtres jusqu’au col hors de battue, et a continué ainsi jusqu’à la commune voisine, ce sanglier avait l’habitude de naviguer en les deux communes a plusieurs kilomètres de distance, Victor a retracé exactement son parcours, et avait prévu 3 postes, au cas où…et lorsqu’il a entendu ce sanglier nous échapper pendant la battue du samedi, il savait exactement où il avait une chance de l’arrêter, comment ne pas être admiratif d’un tel homme ?

Nous pouvons nous dire que ce genre d’exploit arrive que très rarement, mais non ! À chaque battue que nous faisons, notre cher Victor a toujours cette lucidité, cette malice et surtout cette capacité à connaitre tous les passages pour couper la fuite d’un sanglier, qui le bien souvent est un beau solitaire !

C’est un privilège pour nous tous, chasseurs de sanglier, de pouvoir profiter de l’expérience de ces hommes, partager un bon repas à leurs côtés, et à la tombée de la nuit, après une bonne journée de chasse l’hiver, se rassembler dans le noir au coin du feu qui nous sert de seule source lumineuse, fatigués, épuisés, réchauffés par la braise qui crépite, un verre d’eau de vie à la main et écouter pendant des heures les histoires de guerre ou les souvenirs de chasse que nos anciens se font un plaisir de nous raconter

Ces hommes hors du commun sont considérés aujourd’hui encore comme les porteurs et les gardiens des valeurs et des traditions Corses, proches de la nature, de leur maquis natale, ils savent tirer les moindres profits qu’elle leur donne, Il reste nous reste tant de choses à apprendre,  qui au cours de leurs vies, ont tout connu, le pire comme le meilleur, ce sont d’éternels passionnés de chasse, cette passion de la chasse qu’ils ont créés de toute part, et qu’aujourd’hui encore ils s’efforcent de partager avec les plus jeunes, ce sont des hommes respectables et surtout respectés, ils sont nos Encyclopédies de la chasse et de l’histoire corse !

Merci à Guillaume pour ses talents de conteur.

Lire également :

CORSE : Les sangliers de la Haute Vallée de la Gravona.

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