Livre : « En première ligne ». L’histoire d’un SBS.

 

C’est l’histoire d’un membre du SBS, le « Spécial Boat Squadron », la composante marine des Forces spéciales stratégiques Anglaises (je distingue volontairement les forces spéciales classiques des forces spéciales stratégiques : SAS, SBS.

Quoique tout cela reste assez théorique puisque comme on le verra dans le livre, le SBS empiète sur les chasses gardées du SAS, au grand dam de ce dernier…..! La rivalité n’est pas triste !

Dans ce livre nous quittons les habituels théâtres d’opérations d’Irak et d’Afghanistan, pour une guerre en plein cœur de l’€urope, des années 70 à 2000, qui a fait plus de 3500 morts…! Une guerre très meurtrière, bien plus meurtrière que ne l’ont été l’Irak et l’Afghanistan. Si ce n’était la mer qui nous sépare, on pourrait même dire que cela s’est passé à une poignées d’heures de Paris en voiture. Je veux parler de la guerre, car ce fut une vraie guerre (!) en Irlande du nord.

Ce livre est donc aussi l’histoire du parcours d’un homme au sein du SBS, son entraînement plus rude encore que celui des SAS : Imaginez que vous ayez à prendre d’assaut une plate-forme pétrolière en mer du Nord A LA NAGE et depuis un sous-marin dans des creux de 10 mètres, muni évidemment de tout votre « bordel« .

Oui je sais ça laisse rêveur ! C’est un savoir-faire unique au monde ! Mais les « buveurs-d’eau-chaude » ne sont-ils pas uniques au monde… ? Pour paraphraser Otto SKORZENY…!

Le livre commence par une préface expliquant comment et pourquoi le SBS faillit disparaître au profit du SAS, pour finalement se récupérer de justesse en se concentrant sur la lutte anti-terroriste en mer puis en élargissant son spectre d’activité et donc de compétences, non sans empiéter sur les missions habituellement dévolues aux SAS, pour finalement aujourd’hui arriver à co-habiter de façon assez paisible.

Notez que dans ce livre vous ne trouverez pas les interminables et habituels rappels sur l’histoire du SBS durant la seconde guerre mondiale.

Si « Bravo Two Zero » fut le livre qui consacra le SAS aux yeux du grand-public, « En première ligne » sera le livre qui rétablira l’équilibre en nous faisant découvrir l’histoire du SBS ces 30 dernières années.

L’auteur est assez sarcastique au sujet du SAS (rivalité oblige) qui rappelle souvent que l’entraînement et les capacités intellectuelles du SBS sont supérieures chez ces derniers par rapport aux SAS et de citer cette anecdote au sujet des SAS qui confondaient la loi de Mariotte (plongée sous-marine) et les hôtels de luxe Mariot !

Jusqu’où les rivalités peuvent elles aller ? Jusqu’aux cours d’écoles figurez-vous ! Des enfants de père ayant appartenu au SBS ont été souvent raillés par leurs petits camarades, ces derniers soutenant qu’au SBS « on ne faisait que pagayer et que la crème de la crème c’était le SAS ! » Tout cela au milieu d’un tombereau de livres, films, etc…

 « Les deux gosses, prodigieusement agacés, commencèrent  à émettre des doutes sur l’importance réelle de ce que faisait leur père. Stan pensait donc que l’heure était venue pour un membre du SBS de raconter exactement ce que faisait son  unité ».

Revenons-en au livre et à l’Irlande du Nord où la majeure partie de l’action se passe. La guerre en Irlande du Nord fut la pire guerre en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Elle s’étala sur des dizaines d‘années, au sein même de l’Europe. Pas une guerre sale mais une très sale guerre. Ce fut une guerre militaire et civile !

Du côte Irlandais, on parlait de « branche politique » et de « branche militaire ». Du côté Anglais il y avait autant d’unités militaires clandestines (en civil) qu’en uniforme, ces derniers servant le plus souvent d’appât et/ou de couverture aux forces spéciales militaires clandestines.

Il faut dire que la haine entre Irlandais et Anglais remonte aux années 1800 et même avant.

Les Anglais avaient inventé leur propre « solution finale » vis à vis des Irlandais, elle se prénommait : famine ! Le résultat fut le même, un million d’Irlandais moururent de faim, les autres émigrèrent aux Etats-Unis pour ne pas crever tout simplement ! John Mitchel, l’un des leaders du mouvement « young Ireland », écrivait  en 1860: « Le Tout-Puissant, en effet, a envoyé le mildiou, mais les Anglais ont créé la famine ».

« Solution finale » en affamant le peuple Irlandais et invention des premiers camps de concentration toujours par les Anglais dans la seconde guerre des Boers. Pour liquider ces derniers, en les affamant et en les privant de soins.

L’auteur enchaîne non seulement des missions de renseignements mais aussi et surtout des actions d’éliminations physiques donc d’assassinat.

Belle hypocrisie ! La peine de mort n’existant plus officiellement, du moins celle prononcée par des tribunaux civils, mais pas celles prononcées par le pouvoir politique en vertu du fameux « décret Becket », comme le souligne l’auteur.

Il faut au passage rappeler aux antimilitaristes primaires que l’assassinat et la torture n’ont été pratiqués par les militaires que sur ordre du pouvoir politique, y compris dans notre pays !

Algérie ou Irlande, les mêmes ordres politiques conduisent aux mêmes conséquences militaires : tortures, assassinats. Le général  Ausarresses a bon dos ! Surtout quand on lit sa fiche Wikipédia et la note de l’année 2008 !

L’auteur nous livre la sale guerre d’Irlande du Nord vue du côté obscur, très obscur. Un monde aussi inconnu qu’insoupçonnable que peut l’être les abysses du Pacifique.

Page 58 : L’auteur parle « de viser l’ordinateur central pour interrompre l’envoi de signaux entre son cortex et son index afin de l’empêcher de tirer le premier ».

J’ai défini sous le vocable ZI²HL l’emplacement sur un animal d’une  zone de tir permettant de  « couper l’électricité » et d’effondrer un animal.

Page 66 : Rappel de tout ce qu’un postulant au SBS doit apprendre à peine débuté le stage de sélection :

            Calcul des niveaux d’atténuation radioélectrique

            Théorie de la plongée dont la loi de Boyle-Mariotte.

            etc., etc.….

Page 69 et suivantes : L’auteur reconnaît la stupidité d’une phase de sélection poussée à l’extrême qui élimine par blessure (entre-autres) d’excellents soldats : « on voyait trop de commandos potentiellement bons, se faire éliminer à cause de blessures que l’on aurait pu éviter ».

Si vous avez lu mes précédents articles, notamment celui sur les SEALS, vous comprendrez aisément que je suis enchanté de lire cela, ayant maintes fois dénoncé à travers la critique de livres cet état de fait !

Je me réexplique : Que la sélection physique pour ce genre de sélection soit très élevée c’est normal ! La sueur épargne le sang ! Mais cette sélection physique ne doit pas l’être au détriment d’humains un peu moins physiques mais plus affûtés intellectuellement. J’irai même jusqu’à dire que j’attribuerai un fort coefficient pour l’intelligence émotionnelle afin de  rattraper certaines épreuves physiques non réussies.

Physiquement on peut tout apprendre de A à Z, on peut s’améliorer, tout est possible ! L’intelligence émotionnelle vous l’avez ou vous ne l’avez pas !

La brièveté des séances de recrutement, la brutalité avec laquelle elles s’interrompent ne permettent pas à mon avis une sélection qualitativement équilibrée entre qualités physiques et qualités intellectuelles.

Les Américains qui dans ce domaine l’ont bien compris, confrontés eux aussi à un manque chronique de SEALS et d’autres FS ont pris le problème à l’envers depuis déjà quelques années. Prendre un problème à l’envers pour le résoudre, une qualité non-existante en France où nous préférons faire durer les problèmes le plus longtemps possible tout en occupant -inutilement- le maximum d’individus et…… en maximalisant les couts tant qu’à faire… !

Les Américains continuent de recruter au sein du vivier naturel que constituent les forces conventionnelles, mais ils sont plus pragmatiques : ils vont faire leur marché dans les universités ! Mais au lieu de proposer un engagement de 3 ou 5 ans dans l’armée régulière et peut-être un jour pouvoir postuler dans les forces spéciales, ils proposent directement et après une sélection minimum évidemment, d’intégrer un corps spécial chargé de les préformer, de les mettre à niveau. Mais ces jeunes sont sûr d’intégrer une composante FS, sauf échec. Si échec, ils retournent à la vie civile.

Ce n’est plus « engagez-vous et dans 5 ans vous pourrez postuler dans les FS », Non ! Là c’est : « On vous garantit de pouvoir entrer directement dans les FS si vous réussissez les tests de sélection ».

Page 96 : Toute l’ambigüité des règles d’engagement en Irlande du nord sont résumées dans cette page : Les hommes de l’IRA se considèrent comme des militaires et voudraient être traités comme tels, mais les soldats Anglais devaient eux les traiter comme des criminels de droit commun. Avec tous les abus possibles résumés dans cette phrase : « Nous agissions dans les zones troubles de ces règlements ».

Page 97 : Où vous découvrirez que l’utilisation des enfants pour porter des armes n’est pas une invention Afghane contrairement à ce que pourrait penser nos soldats. Là aussi il faudrait remplacer les pompeux : « école de guerre » ou « école de doctrine et de commandement » par « école de guerre psychologique et d’analyse comportementale ». Ce serait plus efficace pour les futurs conflits auxquels nous allons être confrontés en Afrique.

 Notez que le brouillon a été rédigé 10 jours avant l’intervention Française au Mali. Il y aurait beaucoup à dire sur l’intervention au Mali où les Français ont été surpris de « la compétence et de l’armement des insurgés » et pour les avoir pris pour de « vulgaires soudards ». Autrement dit nous avons dérogé à la règle numéro UN de SUN TZU (544–496 av. J.-C.) : « Ne jamais sous estimer son adversaire ».

Page 107 : Comment les Anglais ont fini par comprendre qu’il fallait arrêter les opérations « coup de poing » militaire pour les remplacer par une unité policière clandestine dédiée à ce conflit.

C’est comme cela qu’une police moderne devrait opérer au niveau  départemental avec des unités clandestines rompues et dédiées à la surveillance.

On est loin de ce pathétique reportage où dans une ville Française située « au nord de la Méditerranée »  l’on voit des policiers surveillaient un container en simulant une partie de pétanque !!! Pathétique vous dis-je !!! Pa-thé-tique !

Page 115 : petit rappel sur les FS Australiennes au Viêt-Nam qui furent les combattants les plus efficaces sur le terrain. Et autant que je me souvienne, ils n’eurent même pas un seul mort !

« Ils nous firent une démonstration de leurs talents en suivant l’une de nos patrouilles assez longtemps pour déterminer dans quelle direction nous allions, avant de nous contourner pour nous tendre une embuscade dans laquelle nous nous jetâmes ».

Page 117 : Cette page vaut vraiment le détour car c’est le récit transcrit d’un indigène subitement tiré de la jungle du Brunei et que l’on contraint de sauter en parachute :

            On le fait monter « dans une longue  hutte » (l’avion)

On lui donne « un sac à dos » (un parachute)

            « Une grosse tempête se lève » (moteurs de l’avion)

            Il tente de sortir de la « longue  hutte »  de peur qu’elle ne s’effondre (quitter l’avion en plein vol !).

            « La porte de la pièce à côté s‘ouvre ». (La porte de la carlingue).

            « Tout le monde se lève en même temps comme si un personnage important allait entrer ». (Préparation au saut) ;

            La suite vous la découvrirez avec les mots et la naïveté de cet indigène qui évidemment va être obligé de sauter (en parachute) mais « qui ne sait pas voler ».

Page 125 et suivantes : Très impressionnant les récits de sortie depuis un sous-marin dans les fjords Norvégiens. Toujours cette extrême difficulté d’opérer en milieux marin et sans éclairage, tout doit se faire au toucher, dans le noir absolu !

Page 136 : Une maladie commune à toutes les armées du monde : « …….Voilà une jolie preuve du népotisme qui règne dans le haut commandement Britannique : ce sont les vieilles relations qui vous permettent d’accéder au sommet, plus que vos capacités ».

Quelques passages épiques sur la guerre des Malouines. Bizarrement c’est toujours en temps de guerre que l’on s’aperçoit que les Forces Spéciales « X » ne peuvent pas communiquer avec les FS « Y » en même temps pour cause de systèmes radios différents et bien évident inintéropérables. Les retraites 5 étoiles elles, continuent de tomber régulièrement même après ce genre de constat. Il faudra sans doute faire un bon exemple un jour pour que ce genre de conneries cesse définitivement.

Page 306 et jusqu’à la fin : Gros règlements de comptes avec le SAS de « Bravo Two Zero » : « …..Les SAS se comportaient (NDR : en Irak) comme des voyous sillonnant le désert à la recherche de quelqu’un à tabasser et finissant par se perdre ».

Voilà un livre que j’ai lu avec beaucoup de plaisir, c’est varié, bien écrit. On se sent vraiment dans la peau d’un SBS, l’entrainement en moins…. !!! Grosse base de connaissance pour les spécialistes !

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